L’hygiène et l’eau : petit parcours historique

En 1978, un logement français sur quatre ne possédait pas de salle de bains.

Aujourd’hui, 99 % des habitations en sont équipées (source : Observatoire Cetelem 2011).

Retour sur l’histoire de l’hygiène corporelle

bébé dans sa bassine

L’arrivée de l’eau courante dans les maisons est assez récente puisque c’est à la fin des années 1980 que la quasi-totalité des Français bénéficie de l’eau courante à domicile.
L’installation privée d’équipements sanitaires « à domicile » a été possible grâce au progrès économique, au développement des adductions d’eau et des systèmes d’assainissement et à l’évolution des comportements. Si dès l’Antiquité, les villas des riches citoyens romains étaient pourvues d’eau courante, pour la majorité des gens, la corvée du seau pour aller à la rivière ou au puits d’eau a très longtemps été une tâche pénible et quotidienne.

L’HYGIÈNE ET L’EAU

Les grands principes de l’hygiène sont connus depuis l’antiquité. L’usage du bain était répandu dans les plus anciennes civilisations humaines. On retrouve sa trace chez les Egyptiens, les Hébreux, les Assyriens, les Perses et les Chinois.
Dans la plupart des cas, le bain était intimement lié aux préceptes religieux et à la symbolique purificatrice de l’eau.

DANS L’ANTIQUITE

Chez les Grecs

L’histoire des bains publics commence en Grèce, au VIe siècle avant notre ère, avec la pratique de l’entraînement physique (la pratique du sport étant l’une des caractéristiques de la civilisation grecque antique). Les installations sont contiguës au gymnase.
Le bain permettait ainsi de se détendre après l’effort musculaire.
A l’origine, les bains étaient froids. Les bains chauds ayant mauvaise réputation, suspectés d’amollir le corps tandis que l’eau froide “aguerrit le caractère”.
Mais l’usage des huiles et du sable (les athlètes s’enduisaient de sable pour retenir la transpiration) justifient les bains d’eau chaude, ce sont les premiers bains de vapeur.
Les établissements de bains grecs étaient des lieux où l’on pouvait se retrouver pour s’adonner surtout à l’exercice physique, mais aussi se restaurer et discuter de sujets philosophiques.

Thermes Grèce antique
Les thermes Romains de Cluny
Les thermes de Pompei

Chez les Romains

De tous les vestiges encore visibles dans un grand nombre de villes de l’Empire romain, les thermes (thermae, mot d’origine grecque qui signifie chaud) comptent parmi les plus impressionnants témoignages de l’art architectural.
L’existence de thermes fut facilitée par le fait que les ingénieurs romains maîtrisaient déjà bon nombre des principes de l’hydraulique et de la distribution d’eau. Car il fallait beaucoup d’eau pour approvisionner ces thermes gigantesques : la capter, l’acheminer par des aqueducs et la stocker dans de monumentales citernes…
Chiffre édifiant : la consommation quotidienne d’eau par habitant s’élevait environ à 1 000 litres dans la Rome antique… contre environ 137 litres en France de nos jours (source Ifen 2002).
On peut encore aujourd’hui admirer les ruines monumentales des thermes de Dioclétien (qui recevaient plus de 3 000 baigneurs sur 150 000 m2) et celles des thermes de Caracalla.

Les thermes romains, gratuits, mêlaient toutes les couches sociales de la population et constituaient l’une des principales sources de loisirs offertes aux citoyens de Rome. Si les Romains se rendaient aux thermes pour l’hygiène corporelle et les soins complets du corps, ces lieux avaient aussi une fonction sociale importante : les thermes faisaient partie intégrante de la vie urbaine romaine. On s’y lavait, on s’y reposait, on y faisait du sport, on se cultivait dans les bibliothèques contiguës, on y rencontrait ses amis, on pouvait aussi y traiter des affaires ou se restaurer.

Les thermes de Cluny, thermes gallo-romains (Ier-IIIe siècles)
à Paris, sont l’un des témoignages les plus spectaculaires de l’architecture antique conservé sur le sol de la Gaule.

AU MOYEN AGE

Le plaisir des bains collectifs : les étuves médiévales

Contrairement à certaines idées reçues, le Moyen Age fait une bonne place à l’hygiène.
L’hygiène redevient même un art de vivre : on se lavait pour être propre, mais aussi par plaisir. Se laver, se baigner, était donc une habitude dans les villes du Moyen Age. On allait alors “aux étuves”. Les bains publics sont mixtes et l’on s’y baignait nu. Si, pour l’essentiel de la population, il s’agissait avant tout de se nettoyer, certains y recherchaient également plaisir et volupté.
Les petites cuves (baignoires) pouvaient accueillir des couples et dans les grandes cuves plusieurs personnes. Des collations étaient servies. Des chambres à coucher, permettaient aux baigneurs « de se reposer ».
A la fin du 15e siècle les bains publics ont mauvaise réputation et ferment peu à peu, l’épidémie de peste et l’apparition de la syphilis condamnent les plaisirs du bain, le mot d’ordre devient ainsi : “Estuves et bains, je vous en prie, fuyez-les ou vous mourrez”. déclaration de Guillaume Bunel en 1513 (Professeur de la Faculté de Médecine de Toulouse).

Au Moyen Age : une étuve collective

DE LA RENAISSANCE AU XVIIIème SIECLE : L’APPARENCE PRIME SUR LA PROPRETE

Louis XIV

Extrait :
« … La toilette de Louis XIV, décrite par le Duc de Saint-Simon, met en évidence l’absence de l’eau. Le seul rituel de lavage qu’observe le Roi-Soleil consiste à se rincer les mains avec de l’esprit de vin. C’est que la toilette au XVIIe siècle obéit à de tout autres repères que les nôtres. Elle cherche précisément à éviter l’eau, considérée comme nocive, mais elle fait, en revanche, une très large place aux produits odorants. »
Annick Le Guérer, “Les parfums à Versailles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Approche épistémologique”, dans Odeurs et Parfums, éditions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, Paris, 1999. Article édité en ligne sur Cour de France.fr le 1er juin 2008.
A partir de la fin de la Renaissance, les bains disparaissent. Plus question de chanter les louanges du bain : il faut se méfier de l’eau et n’en user que très modérément.
Par réaction, les médecins commencent à penser que le bain lui-même est malfaisant pour le corps, que les miasmes de la nature pénètrent d’autant plus facilement à l’intérieur du corps, que les pores sont dilatés sous l’effet de la chaleur, laissant un libre passage aux maladies. La toilette se résume à des gestes d’ablutions du visage et des mains.
A la place, on va se parer. Les parfums, poudres et autres pommades, venus d’Italie sont à la mode. Plutôt que d’éliminer la saleté, on en camoufle l’odeur en usant d’artifices. La propreté est celle du linge, non celle du corps, à Versailles on change de toilette 5 fois par jour. Se développe alors la ” toilette sèche”, en se frottant avec des linges.
L’apparence prime sur la propreté réelle des corps.

L’AVENEMENT DE L’HYGIENE MODERNE

Ce repli progressif de l’hygiène corporelle perdurera jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Dans les années 1770, Paris, dont la population représentait alors moins de 500 000 personnes, comptait neuf établissements de bains. Ces établissements vont se multiplier au XIXe siècle et associeront pour une grande part d’entre eux des piscines avec des cabinets de bain.
Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, que l’hygiène commença réellement à reprendre ses droits mais l’ampleur de la tâche était conséquente : en 1850, un Français prenait en moyenne un bain tous les deux ans.
Il a longtemps fallu lutter contre de nombreux préjugés. Premièrement, dans une société majoritairement rurale, beaucoup pensaient que la saleté constituait une protection contre l’intrusion des maladies. Le bain était considéré comme une forme d’agression du corps, voire une menace pour la santé. De plus, une odeur forte pour les hommes était considérée comme un signe de puissance.
L’amélioration progressive de l’hygiène a permis un allongement de l’espérance de vie. Dans le domaine de l’eau, les nouvelles préoccupations sanitaires ont contribué au développement des adductions d’eau, de l’évacuation des eaux usées, du traitement de l’eau potable et ont encouragé l’hygiène corporelle.
La culture de l’hygiène est peu à peu diffusée, à partir de la fin du XIXe siècle, par le corps médical, l’armée et les différents mouvements syndicaux. Les médecins s’approprient très vite le discours de “l’hygiène nouvelle”, concept novateur pour l’époque. Ils ont une influence décisive en matière d’information et “d’hygiénisation” de la population, luttant en cela contre les anciennes croyances. Les instituteurs ont, quant à eux, favorisé l’acculturation progressive de générations d’enfants en matière d’hygiène corporelle. Signe des temps, dès 1883, l’école de Jules Ferry supprime la leçon de catéchisme pour la remplacer par la leçon d’hygiène. La “visite de propreté” effectuée chaque matin par l’instituteur dans la classe est instaurée.
Ainsi, les symboles de notre hygiène vont peu à peu se répandre dans la population. La salle de bain, dans sa conception moderne, est d’origine britannique. Elle est une pièce toute entière consacrée à la toilette.

Savon Malacéïne
La déesse Hygie

LE SAVIEZ-VOUS ?

Le terme “hygiène” provient du nom de la déesse de la santé Hygie, fille d’Esculape (Asclépios), dieu guérisseur chez les grecs. Son rôle était d’enseigner les manières les plus saines à adopter au quotidien. L’étymologie souligne donc le lien existant entre l’hygiène et la prévention en matière de santé.
Ses attributs : la coupe (patère) et le serpent, qu’on peut trouver sur le caducée des médecins.

Merci au Centre d’Information sur l’Eau pour cet excellent résumé de l’histoire de l’hygiène dans nos contrées